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Photo du rédacteurManaelle

Le départ de l'histoire


J'ai eu la chance de grandir avec un chat. Il a accompagné chaque étape de ma vie. De la crèche à l'entrée en fac, je savais que j'avais une chance inouïe d'avoir déjà parcouru tant de chemin avec lui.

Il était présent de déménagement en déménagement, de tempête en tempête... Je le voyais invincible et il me donnait beaucoup de force pour affronter mon quotidien. C'était plus qu'un ami, un véritable membre de la famille qui pour le coup était toujours présent.





Au delà de l'aspect affectif, j'ai passé tant de temps à le regarder. Cela m'a permis très vite de comprendre et d'utiliser le langage corporel chez le chat.


Mais voilà qu'un jour ou l'autre, les chemins se séparent. Alors que mon chat n'avait eu aucun problème de santé, je le trouve un jour mal en point. Je l'amène au vétérinaire, pleine d'espoir après avoir parcouru le "doctissimo des chats" et me persuadant qu'il s'agit d'une gingivite. Le verdict tombe pourtant, sans appel : tumeur à la gorge, vieux chat, 1 semaine à vivre au maximum. Ce jour là je m'effondre. Ce jour là je perds une partie de moi. Mais je ne sais pas encore qu'il s'agit aussi de l’épreuve la plus douloureuse de ma vie mais aussi la plus belle et transformatrice que je vais vivre. La vétérinaire le boost d'antibio afin de nous laisser le temps de lui dire au revoir.

Jour 1: Toute ma famille est dévastée, mais chacun réagit différemment. Il faut alors songer à l'euthanasie. Biensur, je souhaite être présente pour lui, seulement tout en moi me dit que je ne vais pas pouvoir aller jusqu'au bout. Je songe à boire, me droguer... A faire tout ce qui est possible pour ne rien ressentir. Je pleure en continu. Je ne suis que douleur. Mais je ne sais par quel hasard je me retrouve dans une librairie, et un livre attire mon regard : "Le pouvoir du moment présent" de Ekkart Tolle. Je suis en pilotage automatique, j'achète ce livre, je ne sais pas pourquoi, je sors de la librairie et commence à lire.

Jour 2 : Ce livre acheté "par hasard" vient de m'offrir la plus grande leçon de ma vie : Seul le présent existe, seul ce moment existe. Le futur n'est que projection, le passé n'est que souvenir. Vis, tout de suite, vis intensément. Je sais alors qu'il me reste 5 jours à passer avec mon chat. Et je n'ai plus peur puisque demain n'existe pas. Je vis chaque minute comme une véritable bénédiction, avec tellement d'intensité et de joie que je n'ai pas le temps de penser à l'après. Je profite de mon chat sans le voir comme un "mort vivant", un "malade en stade terminal". Je le vois lui, uniquement lui. Et je ressens tout notre amour, je m'en délecte et lui aussi. Je tente de trouver des moyens de lui rendre la vie plus facile et de lui faire profiter un maximum de ce qu'il aime.

Jour 3: Autour de moi, on me demande de prendre rendez vous pour la piqûre finale. On me dit que c'est trop dur de le voir comme ça. Je sais à ce moment là que mes parents sont dans le même état que moi le premier jour, il ne voit que la mort en le regardant, la peur. Pourtant, bien que physiquement diminué et mangeant très peu mon chat continue de profiter du soleil, de demander des câlins. Cette année là je suis en seconde année de fac, en période d'examen. Je rêve de pouvoir arrêter le monde autour de moi, de leur dire de se concentrer sur ce qui est important, vivant. Mais je ne peux pas. Alors je ne suis pas toujours présente auprès de lui, pas autant que je le voudrais. Lorsque je rentre il saute dans mes bras. Ce jour là, je manque de mettre le feu à la maison oubliant que j'avais mis quelque chose à cuire, profitant simplement de lui...

Jour 4: Désormais je suis éveillée la nuit, je ne veux rien manquer. Lui aussi ne dort pas beaucoup. Il miaule avec angoisse parfois et veut toujours être très proche de moi. Il passe de long moment avec chaque membre de la famille. Il passe beaucoup de temps au soleil. Malgré son état physique je sens que ce n'est pas son heure. Je prie pour qu'il parte dans son sommeil et j'espère ne pas avoir à prendre cette décision. Je profite un maximum de chaque instant, je n'ai plus peur, je me sens capable de l'accompagner mais j'espère pouvoir éviter cela.

Jour 5: Mes parents me demandent de faire vite, de l'aider à partir, il n'arrive plus à le voir comme ça, on me dit qu'il souffre. Je sais que physiquement cela est compliqué pour lui mais pourtant mon intuition me dit que ce n'est pas le moment, je le vois prendre le soleil avec sérénité... A cette époque je n'écoute pas encore mon intuition, je ne sais pas encore combien cela était juste. Je prends rendez vous.

Jour 6: C'est une journée normale. Chaque membre de ma famille doit partir au boulot, à l'école. De mon côté je décide de rester avec lui jusqu'au bout. Vient les premières larmes, les premiers aurevoirs douloureux, déchirants lorsqu'un membre de la famille doit quitter la maison. Ma seconde petite soeur à ce moment là est en maternelle. Nous lui avions tout expliqué. Elle est allée lui dire aurevoir d'elle même, sans peine, sans douleur. Elle était sans doute connectée à quelque chose de bien plus grand comme beaucoup d'enfant. C'était un aurevoir plein d'amour mais sans effusion inutile, sans lourdeur.

Viens le moment de prendre la route, de le mettre dans sa cage. Il se débat, mon coeur se tord. Au fond de moi je sais, ce n'était pas le moment.


Pourtant, l'euthanasie se déroule en douceur, il faut dire qu'il n'a plus trop le choix une fois sur place et... moi non plus. La vétérinaire nous laisse seuls un instant, je lui murmure combien il a enchanté ma vie, combien il a été important et que c'est ok maintenant, qu'il peut partir. Je suis incroyablement reconnaissante de la douceur et du tact de la vétérinaire qui nous a permis de vivre ce moment plus sereinement.


En sortant, il est toujours dans une boîte, enveloppée dans un pull à ma soeur. Le soleil brille, le printemps bat son plein, les abeilles bourdonnent, les fleurs arborent des couleurs grandioses. J'arrache quelques tulipes, je les glisse avec lui. Nous le ramenons à la maison pour le mettre sous terre dans le jardin familial.



Plus tard, bien plus tard, je rencontre par hasard une personne (devenue une amie aujourd'hui) qui réalisera une CA sur Bêtise. A l'époque je n'y crois pas. A l'époque je suis terre à terre, je ne crois ni au fait que les animaux puissent retranscrire ce qu'ils vivent en pensées (ah l'éducation !) ni à la vie après la mort. Seulement, ce jour là, Julie m'offre le cadeau le plus précieux au monde. Elle m'explique comment Bêtise est mort, ce qu'il a ressenti, comment a-t-il vécu sa vie auprès de nous... Elle m'offre aussi cette phrase qui me délivre :"Quand le coeur, s'arrête tout de même on le sent passer mais je n'ai pas souffert". Elle me fait part de choses tellement secrètes, de souvenirs tellement précis que je ne peux plus parler au bout du fil. Mon monde s'écroule. Toutes mes croyances tombent en miette. Je réalise combien nous sommes ignorants, à quel point nous nous trompons sur eux... Je me promets d'apprendre à communiquer avec eux. Viens alors ce que l'on peut appeler "la nuit noire de l'âme". Un éveil mais aussi une profonde dépression. Autour de moi personne ne comprend mon chagrin. D'ailleurs je n'ai pas le temps de faire mon deuil puisqu'on me demande de réussir, d'être performante. Je rate tout de même un examen et lorsque je demande un justificatif médical, le médecin refuse car "c'est juste un chat, ça ira mieux demain". (Je ne porte aucun jugement sur ce médecin, chacun son rythme, j'en fais simplement part pour montrer à quel point le deuil d'un animal n'est pas pris en compte voir combien il peut nous être reproché).


Durant cette période, je me reconnecte à plein de choses malgré moi. Le noir fait aussi surgir la lumière, la mort fait aussi resurgir la vie. Dans mes rêves, je sens mes bras devenir ailes, sous mes pieds des racines croissent jusqu’au profondeur de la terre. Dans l’obscurité de celle-ci, je suis irradiée de lumière. Je sens des battements de cœur dans mon propre pouls. Mon souffle se mélange à celui de la terre. Mes pieds deviennent racine. De mon cœur se déverse une rivière infinie. Elle coule de haut en bas, du ciel à la terre, traverse mon corps et mon cœur. Ils sont là, peuple premier, nature divine. Les animaux. De partout, des plumes, des ailes, des sabots, des poils…


Bêtise est parti de la terre il y a 5 ans. Depuis ma vie a pris un tournant incroyable et le point de départ fut... son départ. Il m'a appris a voir à travers l'invisible, en moi et autour de moi. La mort n'est pas une fin, c'est le début d'autre chose. Ou qu'il soit, je sens toujours notre amour. Je pensais ne pas survivre à sa mort, je pensais que tout serait détruit. Mais non, j'ai vécu une véritable épiphanie comme le décrit Chistiane Singer : "Ce qui est bouleversant, c'est que quant tout est détruit, il n y a pas la mort et le vide comme on le croirait, pas du tout. Je vous le jure. Quand il n'y a plus rien, il n'y a que l'Amour. Il n'y a plus que l'Amour. Tous les barrages craquent. C'est la noyade, l'immersion. L'amour n'est pas un sentiment. C'est la substance même de la création... Je croyais jusqu'alors que l'amour était reliance, qu'il nous reliait les uns aus autres. Mais cela va beaucoup plus loin ! Nous n'avons pas même à être reliés : nous sommes à l'intérieur les uns des autres. C'est cela le plus grand vertige... de l'autre côté du pire t'attend l'Amour. Il n'y a en vérité rien à craindre."


Peu importe la fin que tu traverses, laisse-lui une chance d'être un nouveau départ.


Depuis Bêtise, j'ai trois autres chats. J'ai réalisé mon plus grand rêve : celui d'avoir mes chevaux. J'ai appris la CA, je me suis reconnectée à qui je suis (et je continue car ce chemin est infini) et je suis formatrice en CA mais aussi enseignante dans la vraie vie. J'accompagne régulièrement des animaux en fin de vie et leur gardien dans ce pas-sage délicat. Avant le départ de mon chat je ne pensais pas réussir le quart de cela.

Je sais combien la fin peut être douloureuse, je le sais. Laisse là te traverser, laisse là exister, vis la avec intensité. Et ensuite, seulement ensuite, tu te retourneras et tu regarderas avec étonnement le long chemin que la douleur et la vie t'a fait parcourir. Un chemin vers toi-m'aime.


Derrière le titre énigmatique du chat qui parle il y a Bêtise, ce chat grâce à qui tout à commencé. Ce chat qui parle.


A toi, mon ami, aujourd'hui je sais <3

Mitakuye Oyasin









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