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  • Photo du rédacteurManaelle

"La vie continue"

La vie continue. Coûte que coûte. Mais est-ce bien la vie qui continue ? Est-ce bien la vie qui nous rejoint quand nous poursuivons le rythme effréné d’une course insensée ? Sommes-nous vivants en ces instants ?





Je me revois l’an dernier, enchaînant les heures de cours. Puis, au moment de faire rentrer ma classe, un bref aperçu dans le groupe des élèves bien rangés me fait ressentir une profonde tristesse. Je laisse entrer les élèves, puis j’arrête l’élève A. qui a le visage mouillé de larmes. Me mettant un peu à l’écart, celui-ci m’apprend que sa grand-mère vient de partir, il n’a pas pu lui dire aurevoir. Il s’excuse auprès de moi de pleurer, et prononce machinalement une phrase qu’un autre professeur venait de lui répéter, lui clamant de se mettre au travail : « la vie continue ! ». Certes, la vie continue. Mais je pense parfois, qu’il nous faudrait avoir la sagesse de tout stopper, d’écouter les larmes, d’expliquer l’inexplicable, maladroitement, juste être présent, et que la vie est bien plus présente ici, dans ces larmes que l’on verse, dans ces mots que l’on dit que dans ces gestes mécaniques que l’on répète chaque jour, malgré nous. Mais notre système ne nous permet pas de prendre soin de la vie, il en donne seulement l’illusion. Ce jour-là, j’avais prononcé quelques mots à l’égard de cet élève et très vite, il avait dû aller s’assoir, nous faisions du bruit dans le couloir. Je n’avais pas pu être pleinement moi. J’avais dû endosser le rôle du sachant, et l’humaine derrière le professeur n’avait pas pu être pleinement présente.


Il paraît que la vie s’est arrêtée pendant le confinement. Et si nous lui avions permis plutôt de recommencer ?


Nous n’avons plus nourri la vie des autres, nous n’avons plus nourri la vie à l’extérieur mais nous avons été obligés de nourrir nos vies intérieures. De se retrouver avec nous-mêmes. Biensur, ce ne fut pas toujours aisé. Biensur, le manque de l’entourage a pu être oppressant.


Mais… peut être, comme moi, tu as pu t’apercevoir que finalement, la vie était là. Ni dans les bars et restaurants, ni dans les discothèques et magasins, mais là, juste là, toujours là, en toi.


Dans 5 jours, je dois reprendre cette vie d’avant. Mais je veux encore dessiner. Je veux encore avoir le temps de cuisiner. De respirer. De regarder les graines semées grandir. D’observer les fraises rougir. De lire, lire, lire encore. De fabriquer un nouveau masque maison pour les cheveux. De continuer l’entraînement musculaire de mon cheval. De continuer à me balader avec mes animaux plusieurs fois par jour, d’être avec eux, toutes les heures. Je veux pouvoir encore observer les coccinelles et les sauterelles. De tester toutes ces nouvelles recettes. Me laisser surprendre par les animaux sauvages au détour d’un chemin. D’avoir la chance de regarder le soleil se coucher chaque soir, non pas dans les embouteillages mais derrière le plus grand des arbres. Je veux continuer à apprendre. De tout. Continuer à connaître et cueillir les plantes sauvages pour en faire des petites potions. Continuer à écrire. Continuer à m’interroger sur mes cours pour mes petits élèves et continuer de les améliorer. A remettre en question, mes manières de faire, mes croyances, ma façon d’agir. M’observer. Pouvoir donner vie à ces nouveaux projets. Je veux pouvoir bouger mon corps plusieurs heures par jour. Je veux continuer à prendre soin de ma vie, soin de la vie, sous toutes ses formes.


Je ne peux plus être une machine. Je ne veux plus. Je suis en vie pour prendre soin de la vie.


Pourtant, hier, j’étais déjà repartie dans ma tête à la conquête de cette to-do list de « il faut » d’impératifs, de consignes et de règles. Je me souviens petite que j’observais les adultes et que j’avais l’impression qu’ils vivaient pour leur métier, qu’ils étaient devenus leur métier, qu’ils incarnaient pleinement, même en dehors du boulot, leur boulot. Moi aussi en faites. Il m’arrive de n’être plus que cette montagne de choses à faire.


Est-ce que je prends soin de la vie, de ma vie ainsi ?

Non, car je ne suis déjà plus en moi, je suis déjà ailleurs. Je viens de comprendre pourquoi les humains ne parviennent pas à se connecter aux mondes subtils, aux énergies, à eux-mêmes. Ils sont en réalité toujours ailleurs, ils n’habitent pas leur présent. Ils n’habitent pas leur corps. Ils n’habitent pas leur réalité.


« Le meilleur moyen de préparer le futur, c’est d’incarner pleinement le présent » je me souviens de cette phrase…

Maintenant je sens toutes les fois où je me déconnecte de moi-même. C’est un mouvement interne subtil, délicat, presque invisible. Mais maintenant je le sais. Et quand je me déconnecte du présent, je sais que le futur que je prépare ne peut être que chamboulant. Alors, je reviens à moi, je respire, longtemps, je sens le poids de mon corps, j’écoute mes émotions. Et alors tout va bien. Je sens aussi que cette prise de conscience est fragile et que, pour pouvoir l’entretenir, il me faudra longtemps revenir à moi.


Parfois, moi aussi, je crois que vivre c’est ça : correspondre aux exigences et attentes de mon métier, réussir différents objectifs, avoir plus…


Puis, lorsque je reviens à moi, lorsque je reste avec mes animaux, je me souviens. Tout est déjà là. Il n’y a rien à faire, il y a juste à être et savourer sa chance d’exister. Et quelle chance nous avons, de juste être là, vivants.


La vie n’est pas là-bas. Dans les chiffres, dans les possessions. Nous confondons l’être et l’avoir. Pourtant, nous n’avons pas besoin d’avoir pour être.





J’observe mon chat, chaque jour est un délice pour lui. Il n’a pas besoin d’être quelqu’un d’autre. D’endosser un quelconque rôle pour faire parti de la société et servir à autrui. Il sait que c’est justement en étant lui-même qu’il peut jouer son rôle et rayonner. C’est en étant lui-même qu’il peut combler ses besoins vitaux. Il connaît sa force, il connaît ses talents naturels. Et naturellement, il peut les mettre au service d’autrui s’il ressent que quelqu’un en a besoin : ronronner, câliner, faire le fou et apporter de la joie, être contemplatif… Sa vie est un exemple.


Tous les animaux ont conscience de cela : qui ils sont, comment ils peuvent participer individuellement à créer l’harmonie collective (au sein de leur troupeau, de leur meute, de leur clan), quels sont leurs talents uniques, innés et naturels. La vieille jument sait où se trouve l’eau et y mène son troupeau, les jeunes y ajoutent du mouvement, de la vie, l’étalon veille.


Je suis persuadée que nous aussi, nous avons tous des talents innés, uniques et naturels. Et que peut être, si tout le monde exploite réellement ce pourquoi il est fait, ce pourquoi il fait la différence, alors le monde serait plus beau, chacun pourrait se souvenir qu’il a un rôle à jouer dans la symphonie collective. Nous n’accepterions que ce qui nous nourrit, ce qui nous grandit, à la fois individuellement, mais aussi collectivement. Car alors, nous nous souviendrons de cela :

« Chaque seconde que nous vivons est un moment nouveau et unique dans l’histoire de l’univers, un moment qui ne reviendra plus jamais. Et qu’enseignons-nous à nos enfants ? Nous leur enseignons que deux et deux font quatre, et que Paris est la capitale de la France.
Quand leur enseignerons-nous aussi à savoir qui ils sont ?
Nous devrions dire à chaque enfant : sais-tu qui tu es ? Tu es une merveille, tu es unique. Depuis le début des temps, il n’y a jamais eu un autre enfant comme toi. Tes jambes, tes bras, l’agilité de tes doigts, ta façon de marcher. Tu pourrais être un Shakespeare, un Michel-Ange, un Beethoven. Tu es capable de réussir en tout. Oui, tu es une merveille.
Et quand tu seras plus grand, oserais-tu faire du mal à quelqu’un qui comme toi, est une merveille ?
Tu dois travailler, nous devons tous travailler, à rendre le monde digne de ses enfants. »



Alors, dans 5 jours, peut être que toi aussi, tu reprends le chemin de « la vie normale », je te souhaite de te souvenir de ces moments ou tu étais pleinement toi-même pour ne pas redevenir une machine qui fait, je te souhaite de rester quelqu’un qui pense, quelqu’un qui ressent. Je te souhaite du temps. Du temps pour continuer à voir les couchers de soleil. Voir les fleurs pousser et sentir la terre se réchauffer. Je te souhaite que la vie t’habite, t’anime réellement, qu’elle continue en toi et par toi et que tu puisses avoir la sagesse de t’éloigner de tout ce qui est mortifère. Et par-dessus-tout, je te souhaite de te rappeler de tes talents innés, uniques et naturels, je te souhaite de te souvenir de ton unicité, de ton pouvoir.


Car si tu es pleinement toi, le monde tournera plus rond, tu seras relié à l’essence même de la vie et tu ne pourras agir qu’en ce sens : être en vie pour prendre soin de la vie sous toutes ces formes.


Avec amour,


Maëlle

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